Chaque printemps, la commission d’attribution des places en crèche de Fontenay-aux-Roses cristallise les attentes, les espoirs et aussi des déceptions pour de nombreuses familles. Celle de 2025 a eu lieu le 10 avril dernier, l’occasion pour moi de vous faire un rapide aperçu des enjeux de ce secteur. Les récentes évolutions législatives, en particulier la création du Service public de la petite enfance, ouvrent des perspectives nouvelles. Encore faut-il que les collectivités locales s’en emparent avec volontarisme.
I. Une crise nationale qui impose une refondation du service public de la petite enfance
Depuis plusieurs années, la France connaît une tension croissante sur les modes d’accueil des jeunes enfants. Les besoins augmentent et diffèrent, portés par des évolutions sociétales majeures : hausse du taux d’activité des femmes, recomposition des familles, mobilités professionnelles accrues, apparition du télétravail pour les parents. Face à cela, l’offre d’accueil stagne, voire recule dans certaines zones. Les parents en subissent directement les conséquences, tant sur le plan de leur emploi que de leur équilibre de vie.
Cette situation a conduit le gouvernement à engager une réforme de grande ampleur. Votée en décembre 2023 dans le cadre de la loi pour le plein emploi, la création du Service public de la petite enfance vise à construire un système plus lisible, plus équitable et plus accessible. Depuis janvier 2025, les communes ou leurs groupements sont devenus autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant. Cela signifie qu’elles sont désormais responsables de recenser les besoins des familles, de planifier les solutions d’accueil à venir, de coordonner l’offre existante et de garantir une information claire et centralisée.
Ce nouveau rôle est assorti d’outils, mais aussi de responsabilités. Il ne s’agit plus seulement de financer ou de gérer des crèches, mais bien de piloter une stratégie territoriale complète de la petite enfance. Cette évolution marque une forme de décentralisation de fait, mais elle suppose un engagement politique fort des élus locaux, ainsi qu’un dialogue actif avec les acteurs du secteur : CAF, PMI, professionnels, familles.
Parallèlement, les micro-crèches, longtemps considérées comme une solution souple et réactive, sont aujourd’hui sujettes à questionnement. Un décret publié en avril 2025, à la suite d’un rapport alarmant de l’IGAS et de l’IGF, renforce nettement leur encadrement. Il impose la présence de professionnels qualifiés, limite le nombre de structures par direction et renforce les obligations de déclaration auprès des conseils départementaux. Ce tournant vise à garantir la qualité de l’accueil par des professionnels qualifiés et engagés, et à éviter les dérives commerciales, mais il risque aussi de fragiliser certaines structures existantes qui vont devoir réorganiser leur fonctionnement.
Enfin, la question du financement reste posée. Les promesses de compensation financière par l’État aux communes n’ont, pour l’heure, pas toutes été tenues. Cette incertitude pèse sur la capacité des villes à planifier sereinement de nouvelles offres.
II. À Fontenay-aux-Roses : un service public en souffrance
Les chiffres clés pour Fontenay-aux-Roses
- 204 naissances en 2024 :
Année | Nombre de naissances |
2023 | 237 |
2022 | 238 |
2021 | 263 |
2020 | 259 |
2019 | 288 |
2018 | 308 |
2017 | 298 |
2016 | 315 |
2015 | 300 |
2014 | 318 |
- 5 crèches municipales (Oasis, Petit Paradis, Péri et les crèches des Pervenches (Unité Pervenches et unité Fleurie) pour un total de 203 berceaux (contre 262 en 2014).
- 3 crèches privées, dont 2 micro-crèches, pour 42 berceaux.
- Quelques places d’urgence dans les accueils associatifs (relais coup d’pouce 92 et EMA Clairefontaine).
- Nombre d’assistantes maternelles agréées : environ 50 (contre 76 en 2020).
- Nombre de familles employant une assistante maternelle : 180 (source Insee, 2022).
La commission d’attribution de 2025
Comme chaque année, la commission se compose des directrices de crèches, de la responsable du relais petite enfance (RPE), des agents du service de la petite enfance et des conseillers municipaux élus à cette commission. Les dossiers sont sélectionnés en fonction des critères préétablis : la date d’inscription sur la liste d’attente, le choix des crèches par la famille, la concordance de l’âge de l’enfant avec les disponibilités, le nombre de jours par semaine souhaité et le temps de travail des parents. Une attention particulière est apportée aux enfants porteurs de handicap ou accueillis au titre de la protection de l’enfance, aux familles en situation d’insertion sociale ou professionnelle, sous conditions.
213 demandes déposées et 95 places théoriques à attribuer. À la fin de la commission, 20 places ont été attribuées chez les grands (2023) (sur 67 demandes), 24 places chez les moyens (2024) (sur 85 demandes) et 51 places chez les petits (2025) (sur 61 demandes). Ce qui au total fait un taux de réponse de 44,60 %.
Cette année, plusieurs demandes émanaient de familles monoparentales dont le parent n’exerce actuellement aucune activité professionnelle. Ces familles se sont vu refuser une place en crèche au motif qu’elles ne répondaient pas aux critères d’attribution en vigueur. Ce refus, les prive d’un levier essentiel pour rechercher un emploi ou reprendre une activité, contribuant ainsi à accentuer leur précarité.
Derrière ces chiffres se cachent des familles souvent démunies, contraintes d’improviser des solutions temporaires, parfois au détriment de leur activité professionnelle ou de leur santé mentale. En outre, comme ailleurs en France, de nombreux parents fontenaisiens se détournent des crèches privées, inquiétés par les scandales récents dans le secteur, et par l’incertitude de la pérennité de la place proposée. Cette méfiance renforce la pression sur les structures publiques et les assistantes maternelles, tout en accentuant les attentes en matière de contrôle et d’encadrement des sociétés privées de la petite enfance.
Un projet de maison des assistantes maternelles (MAM) bloqué malgré l’urgence
C’est dans ce contexte tendu que le projet de Maison d’Assistantes Maternelles (MAM), porté par des professionnelles expérimentées, aurait pu constituer une bouffée d’air. En mettant à disposition un local communal, la ville aurait pu permettre l’accueil de plusieurs enfants dans un cadre souple, sécurisé et professionnel. Ce type de projet, répandu dans d’autres communes (notamment dans des logements de fonction vacants), fonctionne déjà avec succès.
Mais ici, malgré les sollicitations répétées, le projet reste bloqué par la mairie. Cette inaction interroge : pourquoi priver la ville d’un projet clé en main, soutenu par les familles, qui permettrait de désengorger les crèches tout en valorisant un métier en tension ?
Pour en savoir plus sur cette affaire : Un projet de MAM bloqué par l’immobilisme du maire
Il est a noté, que dans le domaine des modes de garde des enfants, c’est la diversité des solutions qui importe. Chaque professionnel et chaque parent peut trouver une solution plus ou moins adaptée à sa situation.
A Fontenay, le contexte est d’autant plus tendu que le nombre d’assistantes maternelles, autre pilier historique de l’accueil du jeune enfant, est en forte baisse. Alors qu’elles étaient 76 en 2020 sur la commune, elles ne sont plus qu’une cinquantaine aujourd’hui, pour 164 enfants gardés. Enfin, il existe une petite dizaine d’auxiliaires parentales sur la ville. Cette chute s’explique par des départs en retraite non remplacés car le métier est de moins en moins attractif. Il est de plus en plus compliqué de concilier le métier avec la garde de ses propres enfants, les normes de sécurité et d’espaces disponible pour accueillir les enfants ont été durcies. Les problématiques du logement viennent ici influer sur les modes de gardes des plus petits. Il appartient pourtant de penser à ces enjeux lors de la création de logements et de l’attribution de logements sociaux. Les familles peinent à trouver des professionnelles disponibles, et ces dernières, souvent isolées, manquent de reconnaissance.
Rappel : le relais petite enfance est le lieu ressource avec, pour mission première, de permettre aux professionnels de rompre leur isolement (grâce notamment, à l’accueil en temps-jeux).
Vers 2026 : des propositions locales concrètes
Plus globalement, la commune n’a à ce jour publié ni diagnostic partagé, ni planification des besoins d’accueil, comme le prévoit pourtant la loi. La ville pourrait également engager une concertation large avec les familles, les professionnelles et les institutions partenaires afin de co-construire un véritable plan local de la petite enfance.
Il est possible de porter des propositions concrètes et ambitieuses :
- Soutenir immédiatement le projet de MAM en facilitant l’accès à un local adapté.
- Lancer une étude sur les besoins en garde d’enfants dans la ville.
- Créer de nouvelles places en crèche municipale ou associative, en partenariat avec la CAF, en prenant en compte les contraintes de personnel.
- Lutter contre l’épuisement des professionnels de la petite enfance, comme le préconise les points 4 et 9 de la Charte Nationale d’Accueil du Jeune Enfant.
- Renforcer l’attractivité du métier d’assistante maternelle en valorisant leur rôle et facilitant les regroupements via le relais petite enfance (RPE).
- Porter la voix de Fontenay dans le dialogue intercommunal pour mutualiser les moyens humains et techniques.
Car derrière ces enjeux techniques et budgétaires, c’est bien une ambition humaine et sociale qui doit guider l’action locale. Une politique de la petite enfance fondée sur le respect de l’enfant et de sa famille, la qualité de l’accueil, l’égalité d’accès, et le respect des professionnels, permet d’agir pour l’égalité des chances, le bien-être des familles, et la cohésion de notre ville. À Fontenay-aux-Roses, ce défi mérite mieux que l’immobilisme. Il appelle à un nouveau souffle, fondé sur la solidarité, l’écoute des besoins et le courage politique.
En 2026, nous porterons ce projet avec force, pour que chaque enfant à Fontenay-aux-Roses ait sa place, et que chaque famille puisse envisager l’avenir avec confiance.
Parce qu’une ville qui prend soin de ses enfants est une ville qui prépare l’avenir.
Pauline Le Fur